L'afflux massif actuel en Europe de personnes fuyant la violence et la pauvreté est formulé dans les discours publics en termes de " crise ", la figure de " l'autre migrant " étant dépeinte comme un défi à la sécurité, à l'identité et aux valeurs de l'Europe. Ce récit tend à occulter les dynamiques sociales, politiques et économiques plus longues qui ont conduit à une telle situation. Si les Syriens ont été de loin le groupe le plus important ces dernières années, les Afghans ont toujours constitué, au cours des dernières décennies, l'un des plus grands groupes de demandeurs d'asile dans les pays européens. L'une des principales raisons de ces arrivées ininterrompues est la situation sécuritaire toujours instable depuis le coup d'État communiste de 1978 et le succès limité de l'effort de reconstruction en Afghanistan depuis l'intervention internationale et la chute du régime taliban à l'automne 2001. Le retrait partiel des troupes étrangères en 2014 est l'expression d'une impasse politique et militaire plutôt que le résultat du succès de l'effort de reconstruction de la nation.
Alessandro Monsutti est professeur associé d'anthropologie et de sociologie du développement à l'Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. Il a mené des recherches multi-sites depuis le milieu des années 1990 en Afghanistan, au Pakistan et en Iran pour étudier les modes de solidarité et de coopération mobilisés dans une situation de conflit et de migration forcée. Par ailleurs, il a travaillé comme consultant pour plusieurs organisations internationales et non gouvernementales telles que le HCR. Il est l'auteur de "War and Migration : Social Networks and Economic Strategies of the Hazaras of Afghanistan" (Routledge, 2005).
Discutants :
Paweł Marczewski, Chef des publications, IWM
Christian Ultsch, Chef du département de politique étrangère, Die Presse